Début de ce qui est plus une histoire qu'une fan fic, que je viens d'écrire et que je vous soumet :
Les portes de l’antichambre de la Salle du Trône tremblèrent violemment dans leurs gonds, gémissant sous les coups de boutoirs. Les larges poutres de bois passées en travers, bloquant leur ouverture, ne tiendraient plus très longtemps. Les Chevaliers de la Reine se regardaient d’un œil inquiet, du regard du soldat qui sent la mort approcher.
L’un d’entre eux, un homme grand et élancé, large d’épaules et à la chevelure noire coupée court, se tenait non loin des portes durement malmenées, avec à ses côtés un jeune homme d’au moins dix ans son cadet, assis sur le sol de dalles luisantes, le dos appuyé contre une des colonnes soutenant le plafond. Ce dernier, malgré son visage blême, le trait livide de ses lèvres pincées de peur, malgré sa vilaine entaille au front qui maculait son visage de sang, étreignait son épée à s’en blanchir les jointures, l’air déterminé.
- Combien de temps, Dagero ? Voulut savoir le jeune chevalier.
- Cinq minutes, peut-être moins, répondit le grand guerrier d’une voix neutre.
L’autre acquiesça en silence, d’un simple hochement de tête. Les yeux dans le vague, semblant à des lieux de là, il laissait ses doigts courir sur le manche de son épée à la large lame couverte de sang.
- Quel âge as-tu ? Demanda soudain le dénommé Dagero, ses yeux d’acier fixant son jeune compagnon.
- Dix-neuf ans.
- Et tu n’es Chevalier de la Reine que depuis un mois, à peine, constata amèrement Dagero.
Un coup plus violent que les précédents ébranla les portes, faisant craquer le mince rempart de bois. Le moment approchait où cette barrière, la dernière entre eux et leurs ennemis, cèderait elle aussi, comme toutes les autres. Dagero inspira profondément, puis saisit brusquement son compagnon par les épaules, le faisant se lever en face de lui.
- Vas-t-en, Baldr, souffla-t-il, les dents serrées. Tu es bien trop jeune pour mourir. Il y a une porte cachée derrière la dernière tenture, au fond de la pièce. Nous défendrons Sa Majesté la Reine sans toi.
Baldr tourna les yeux en direction de la porte blanche à l’autre bout de la salle. Derrière se trouvait la Salle du Trône, et la Reine du Royaume d’Ethel. Elle ne voulait pas fuir, drapée dans sa dignité empreinte de majesté. « L’homme que j’aimais est mort, tombé sous les coups de nos ennemis galbariens en défendant la ville. Tout espoir m’a abandonné, mais l’honneur dicte encore ma conduite comme il l’a toujours fait. Je resterai ici et ferai front, debout, face à ceux qui veulent ma perte » avait-elle répondu à ses chevaliers qui la priaient de fuir.
- J’ai prêté serment, Dagero, dit enfin Baldr, plongeant ses yeux verts dans ceux de l’autre chevalier. « Sur ma vie, mon honneur et ma lame, je jure de protéger la Reine d’Ethel jusqu’à mon dernier souffle, jusqu’à ce que je tombe dans la poussière et l’oubli. Que le Soleil tout puissant et la Lune bienveillante soient témoins, devant Eo le miséricordieux je suis un Chevalier de la Reine. »
Baldr se frappa la poitrine de sa main gantée d’acier et embrassa la lame de son épée ensanglantée, selon le signe d’allégeance des Chevaliers de la Reine : « J’arme mon cœur de courage et j’embrasse la mort ».
Dagero poussa un profond soupir devant la détermination du jeune homme, puis son visage dur se fendit d’un sourire.
- Tu peux être fier de porter le titre de chevalier, déclara-t-il en lui donnant une vigoureuse accolade. Ton courage t’honore.
- Merci, Dagero. Merci, mon ami.
Un nouveau craquement fit hurler les portes et de larges fissures apparurent dans le bois. Dagero et Baldr, ainsi que tous les autres chevaliers, se postèrent face aux battants, l’épée au clair. Baldr essuya le sang souillant la sienne et celui couvrant son visage avec sa cape, puis se défit de celle-ci. Rien ne devait venir le gêner lors de ce combat. Le dernier combat.
- Pour la Reine, murmura-t-il d’une voix blanche. Mais ses mains ne tremblaient pas sur la garde de son arme.
- Quoi qu’il advienne, quoi qu’il jaillisse de ces portes lorsqu’elles seront abattues, nous ferons face avec force et courage, s’exclama un vieux guerrier aux longs cheveux neigeux, le Seigneur Chevalier Galthier, les yeux brillant d’un feu dévorant.
- Nous l’avons toujours fait et il en sera toujours ainsi tant qu’un seul d’entre nous vivra, renchérit-il. Allez, Chevaliers de la Reine, armez vos cœurs et vos mains, et brandissez votre épée contre la barbarie et le Mal !
Les portes se fendirent sur toute leur longueur et les poutres lâchèrent, libérant un flot de soldats en armures étincelantes munis de lances et de cimeterres.
- Pour la Reine ! Hurla Galthier.
- Pour la Reine ! Reprit à l’unisson la douzaine de chevaliers, se jetant comme un seul homme sur les ennemis, leurs voix montant jusqu’aux hautes voûtes du plafond, résonnant comme les cris de rage de mille guerriers.
Baldr et Dagero, côte à côte, se jetèrent dans la mêlée avec l’énergie du désespoir, abattant violemment leurs épées sur la masse compacte, la muraille de métal hérissée de lances tranchantes. Telle une flèche, la troupe de chevaliers perça les rangs ennemis, créant une brèche. Baldr trancha la main d’un soldat qui attaquait Galthier par derrière, pivota sur lui-même, para un coup et le rendit avec une vitesse fulgurante ; le galbarien s’effondra, mort. Le temps d’une respiration, d’un battement de cœur, puis le jeune homme plongea à nouveau au sein de la bataille, la lame en avant.
Les Chevaliers de la Reine, en large infériorité numérique, firent illusion quelques moments, parvenant même à semer le trouble parmi leurs ennemis. Mais bientôt ils reculèrent. Ils commencèrent à tomber, un par un, sous les lames galbariennes, jusqu’à ce qu’il ne reste plus que Baldr, Dagero, Galthier et deux autres nommés Idata et Horin. Les cinq survivants formaient un noyau resserré au milieu d’une marée hostile, se tournant tous le dos afin de faire front, en cercle. « Cette fois c’est fini, songea Baldr, respirant bruyamment, serré entre Dagero et Horin. Soudain, les soldats les encerclant se mirent à reculer. Ils s’écartèrent afin de dégager un passage allant des portes fracassées aux Chevaliers de la Reine rescapés. Des pas se firent entendre dans le silence de mort qui était tombé tout à coup. Des pas qui résonnaient, leur son métallique heurtant les oreilles de Baldr. Et, tout à coup, trois hommes se tenaient dans l’encadrement des portes gisant sur le sol. Le cœur du chevalier manqua un battement.
- Par Eo … murmura Dagero.
Baldr déglutit avec difficulté et affermit sa prise sur son épée.
- Les Exécuteurs de Galbar, lâcha Idata dans un souffle qui paraissait devoir être le dernier, le chevalier étant d’une pâleur cadavérique.
Un frisson mêlant crainte, respect et dégoût traversa l’antichambre de la Salle du Trône. Même les soldats galbariens s’agitèrent, mal à l’aise. Les trois Exécuteurs semblaient regarder les cinq Chevaliers de la Reine restant, bien que leurs casques d’aciers étincelants n’en donnaient aucun signe. Immobiles tels des statues de métal, leurs armures artistement forgées brillant faiblement, ils n’esquissaient pas le moindre geste. Le seul mouvement était celui de leurs longues capes écarlates bruissant faiblement. Baldr ressentait une terreur sans nom, un poids lui oppressant la poitrine. Les Exécuteurs de Galbar avaient peuplé ses cauchemars d’enfant, et le simple fait de mentionner leur nom provoquait des frissons à tout homme du Royaume d’Ethel. Les trois seuls êtres au monde, déshumanisés par leurs invincibles armures et leurs heaumes, capables de maîtriser le Flux, l’énergie vitale du monde, qui leur donne accès à une puissance destructrice dépassant l’imagination.
Baldr entendit Galthier inspirer profondément, comme pour se donner du courage.
- Arrière ! Tonna le vieux chevalier, ses longues mèches blanches encadrant le masque de colère qu’était devenu son visage. Je ne tolèrerai pas que des êtres aussi vils que vous foulent le sol de la Salle du Trône, ne serait-ce que de son antichambre. Arrière, j’ai dit !
Un silence pesant répondit à la vaillante bravade de Galthier. Horin se mit à prier, les yeux fermés et les lèvres bougeant à peine. L’idée de rejoindre le Seigneur Chevalier, ce dernier s’étant avancé en prononçant sa menace, effleura Baldr mais, à sa grande honte, il n’eu pas la volonté de bouger d’un pouce. La simple présence des Exécuteurs le clouait à sa place.
Tout à coup, l’un d’entre eux leva la main, tendant la paume en direction du vieux Chevalier de la Reine qui, l’épée à la main, était déterminé à leur barrer la route. L’air autour de l’Exécuteur sembla vaciller, comme lorsque l’on regarde au-dessus d’un feu. Au même moment, Galthier poussa un cri déchirant, et son épée rencontra le sol dallé dans un bruit métallique. Tout le corps du guerrier à la chevelure de neige paraissait comprimé par un étau invisible, des craquements sinistres provenant de ses membres qui se tordaient en des angles tout sauf naturels. Baldr et ses trois compagnons, paralysés de peur et d’horreur, ne pouvaient détacher les yeux de ce spectacle atroce, le valeureux Seigneur Chevalier subissant les assauts du Flux de l’Exécuteur. Dans une ultime et affreuse contorsion, le corps et l’âme du vieil homme furent broyés. D’un geste négligent du bras, l’Exécuteur balaya le cadavre qui vola à travers la pièce et alla percuter le mur, le fracas des os brisés faisant frémir les Chevaliers de la Reine. Baldr était pris de nausée, et le trouble était perceptible même chez les soldats plus âgés, les galbariens eux-aussi n’osant regarder les trois êtres en armures, lesquels n’eurent aucune réaction. C’est cela par-dessus tout, cette indifférence devant cet odieux meurtre, qui fit bouillonner le sang de Baldr. Le chevalier, le visage déformé par la colère, la tristesse et la peur, s’avança de trois pas et, l’épée pointée vers l’Exécuteur ayant tué Galthier, s’exclama d’une voix altérée par les sentiments qui bataillaient en lui :
- Vous ! J’exige réparation pour la mort de mon Seigneur, car le combat n’était pas loyal. Je vous défie de m’affronter sans user du Flux, dans un duel !
Cette fois-ci, l’Exécuteur eu une réaction. Il tourna ostensiblement la tête et s’approcha de Baldr afin de contempler à son aise le fou qui l’apostrophait ainsi.
- Courageux, jeune homme, déclara-t-il d’une voix neutre, déshumanisée par son heaume. Stupide, mais courageux. Mais si ton âme est prête …
- Je suis prêt, affirma Baldr d’un ton qui se voulait sûr de lui.
« Qu’on en finisse, avant que ma volonté faiblisse » pensa-t-il rageusement.
L’Exécuteur fit signe à un soldat galbarien de lui tendre son cimeterre et il s’en saisit d’un geste assuré. On sentait que cet homme ne vivait que pour tenir une arme entre ses mains, que ce soit le Flux ou bien une épée. Baldr recula d’un pas, jugeant qu’il se trouvait trop près de son adversaire, alors que l’Exécuteur faisait siffler sa lame devant lui comme pour en éprouver le tranchant, tout en esquissant un pas de côté. Les deux hommes se jaugèrent un court moment, Baldr tentant d’accrocher le regard de son ennemi par la mince fente de son casque, et l’instant d’après leurs lames s’entrechoquaient violemment. Et le chevalier sut immédiatement qu’il allait perdre. L’Exécuteur mit une telle force dans ce premier coup que le jeune homme para en catastrophe et dut se jeter au sol pour éviter d’avoir la tête tranchée. Alors qu’il exécutait une roulade sur le côté dans le but de se rétablir hors de portée de l’Exécuteur, une voix impérieuse s’éleva derrière lui :
- Assez !
Ne quittant pas des yeux son adversaire en armure, Baldr n’osa pas se retourner, et ne put que voir l’Exécuteur abaisser son arme et s’écarter de lui.
- Votre Majesté, entendit-il dire Dagero.
Alors, se redressant enfin et risquant un regard en arrière, Baldr vit les portes blanches de la Salle du Trône largement ouvertes, et la Reine qui les contemplait. Son visage encore jeune témoignait d’une étonnante force intérieure qui émanait d’elle, de même que les sillons sur ses joues rendaient compte de ses pleurs. Sans être vraiment belle, Mynis, Souveraine d’Ethel, dégageant un charisme hors du commun et une présence qui forçait les Exécuteurs même à reculer. D’un coup d’œil elle embrassa la scène, une expression peinée apparaissant furtivement sur son visage lorsqu’elle reconnaissait une des chevaliers morts, allant jusqu’à étouffer un cri de surprise et de chagrin mêlés à la vue du corps sans vie et désarticulé de Galthier. Soudain, un mouvement des galbariens attira le regard de tous les etheliens : leurs ennemis s’agenouillèrent comme un seul homme, excepté les trois Exécuteurs, devant la personne qui faisait son apparition dans la pièce. Vêtue d’une jupe écarlate fendue pour monter à cheval, d’un plastron d’or fin moulant sa poitrine et portant l’épée au côté, se tenait une des plus belles femmes qu’il fut jamais donné de voir à Baldr. Ses cheveux tombaient en boucles cuivrées sur ses épaules nues d’une pâleur exquise, et son corps était la perfection même. Un détail cependant frappa Baldr : elle avait les yeux vairons, ce qui en Ethel était le signe du diable, selon les superstitieux. Mais curieusement, cela accentuait la beauté de son regard, conférant une aura de mystère aux lacs d’eau calme et froide qu’étaient ses yeux. Une main sur la hanche et l’autre sur le pommeau de son épée, elle fixa tour à tour les Exécuteurs puis les quatre Chevaliers de la Reine encore en vie. Lorsque son regard pesa sur lui, Baldr sentit un frisson lui parcourir l’échine, mais il ne baissa pas les yeux, au contraire de Dagero, Idata et Horin. La jeune femme –elle ne devait pas avoir plus de cinq ans que Baldr- esquissa un sourire et reporta son attention sur la Reine Mynis.
C'est tout pour l'instant, mais la suite est à venir ^^
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Mer 18 Avr - 13:56
